Le racisme systémique des Autochtones au Canada — une étude à travers le décès de Joyce Echaquan
Stefania Rotundu
(EN) In September, Joyce Echaquan’s death at a hospital in Joliette, Quebec, revealed the ongoing struggle against systemic racism of First Nation peoples in Canada. Her shocking video, filmed on her phone shortly before her death, showed the medical staff’s racist treatment of her, as she begged for help on Facebook. Joyce feared that she was being overmedicated.
Nous avons pris l’habitude de parler de problèmes sociaux comme étrangers, surtout dans le contexte des États-Unis où le racisme systémique est très fréquent. Cependant, il ne faut pas oublier que nous avons nos propres instances de racisme systémique au Canada, et qu’elles sont tout aussi graves.
Le 28 septembre 2020, la mort d’une femme autochtone, Joyce Echaquan, de la communauté atikamekw de Manawan a circulé sur Internet.[1] En effet, Joyce s’est filmée en direct sur Facebook.[2] Cette vidéo la montre visiblement incohérente et en douleur, et nous pouvons l’entendre se plaindre d’avoir été surmédicalisée. Pourtant, ce qui nous choque le plus, c’est le traitement des infirmières à son égard.
Joyce Echaquan est allée au Centre hospitalier de Lanaudière à Joliette, Québec, le 26 septembre 2020 pour des problèmes d’estomac.[3] Joyce avait aussi des problèmes cardiaques préexistants.[4] Quand les infirmières lui ont donné de la morphine, elle a eu une réaction allergique et est décédée.[5] Joyce avait seulement 37 ans et elle était mère de sept enfants.[6] Les derniers moments de sa vie ont été atroces, criant et appelant à l’aide les membres du personnel soignant. Cependant, au lieu de l’aider, les infirmières lui ont rétorqué des propos dégradants et racistes.
Malheureusement, ceci n’est pas surprenant venant de la part du Centre Hospitalier de Joliette. En effet, celui-ci a déjà été accusé de traitement raciste envers des Autochtones.
Un an avant la mort de Joyce, le 30 septembre 2019, Paul-Émile Ottawa — chef de Conseil des Atikamekw de Manawan — avait publié un rapport qui recommandait aux Autochtones des Manawan de chercher de l’aide médicale ailleurs, à Trois-Rivières ou à La Tuque.[7] Les Autochtones de Manawan avaient en effet attesté que l’hôpital ne leur offrait pas l’aide médicale qu’ils demandaient, et ne les prenaient pas au sérieux.[8]
La mort de Joyce et son mauvais traitement ont déclenché des manifestations à Montréal et à Ottawa qui demandent justice pour sa mort.[9] Par conséquent, l’infirmière en question a été congédiée et le Bureau du coroner a annoncé une enquête publique.[10] Cet incident est révélateur des problèmes de racisme systémique contre les Autochtones au Québec, et à travers le pays entier du Canada. En effet, en juin 2020, des membres du personnel soignant d’un hôpital en Colombie-Britannique ont placé des paris sur la quantité d’alcool dans le sang d’Autochtones.[11] Ceci est un exemple des nombreux stéréotypes négatifs propagés à l’égard des Autochtones — parmi eux, les affirmations qu’ils seraient alcooliques, dépendants à la drogue, ou chômeurs. Ces stéréotypes très problématiques soutiennent le racisme systémique, et participent à la difficulté des Autochtones à recevoir la même qualité de services médicaux et sociaux que les autres Canadiens. Un rapport de 2015 a révélé que le racisme contribue à de pires conditions de santé des Autochtones que pour les Canadiens non aborigènes.[12] Le gouvernement canadien a même découvert que les Autochtones ont un taux d’espérances de vie plus réduit que le taux national, tout comme un taux plus élevé de maladies chroniques.[13]
Même si le Canada a fait des efforts pour améliorer les relations avec les peuples autochtones, cet événement a révélé qu’il existe encore des tensions auxquelles le Canada se doit de remédier au plus vite. En septembre, le Premier ministre François Legault a refusé de reconnaître l’existence du racisme systémique au Québec, alors que 92 % des Québécois non autochtones reconnaissent que les Premières Nations sont l’objet de racisme ou de discrimination au Québec.[14] Les Autochtones ne sont pas seulement victimes de stéréotypes, ils sont également oubliés par le gouvernement. En effet, il y a une pénurie d’hôpitaux et de médecins sur les réserves, ce qui force les Autochtones à voyager en ville pour des services médicaux.[15] Dans le cas de Joyce Echaquan, elle a dû conduire 180 kilomètres pour recevoir de l’aide médical à Joliette. Elle était entourée des personnes qui ne parlaient pas sa langue maternelle et qui ne la comprenaient pas.
Nous avons pu témoigner de la difficulté de Joyce à travers la vidéo diffusée sur les réseaux sociaux. Le virtuel permet ainsi aux Autochtones de dicter les conditions de leur représentation et de s’inscrire dans la conscience nationale qui les ignore depuis trop longtemps. Cette technologie permet de révéler une réalité sans intermédiaires ou interprétations. Ceci autorise les Canadiens non aborigènes à prendre conscience de la condition des Autochtones au Canada. En étant confrontés à la vidéo de Joyce, nombreux sont ceux qui sont touchés et outrés par son histoire: nous avons le devoir d’empêcher que ces situations continuent de se reproduire au Canada.